Hubert Ripoll

« Je suis professeur de psychologie du sport à la faculté des sciences du sport de l’Université de la Méditerranée. Mes recherches portent sur les processus mentaux impliqués dans le sport. Ceux relatifs au traitement de l’information (perception, attention, prise de décision) et ceux favorisant ou inhibant ces processus (stress, états modifiés de conscience). J’ai rencontré Loïc Leferme à l’occasion d’un livre : « Le mental des champions » (Payot 2008) http://mentaldeschampions.blogspot.com/ pour lequel je l’ai interviewé, de même que quinze autres champions olympique, champions du monde ou détenteurs de records du monde. Je prolonge actuellement ce « tête-à-tête » avec Loïc, par son entraîneur et coach interposé, à l’occasion d’un livre : « Le mental des coachs » auquel Claude Chapuis a accepté de participer. J’ai souhaité interviewer Loïc, d’abord, pour mieux comprendre le « No limit ». Ce n’est qu’au cours de cet entretien que j’ai découvert l’Homme. D’abord dans son rapport au No limit puis l’Homme lui-même. Concernant son rapport au No limit, je retiendrai surtout ceci : « Fondamentalement, je crois que les gens sont faits pour faire quelque chose, et moi je sais que je l’ai trouvé. Il n'y a pas un accroc, pas une rayure. La profondeur absolue, c’est mon truc, compte tenu de ma culture, de mon histoire. Mon esprit n’est pas rempli de mauvaise expérience. C’est un état général de pensée, une manière de vivre, c’est mon histoire qui m’a fait comme ça. Et mon histoire a accumulé du positif. J’arrive dans l’eau, pas vierge, mais naïf. J’y arrive quelquefois, au cours d'une apnée, à voir la pureté originelle des choses. L'idéal, ce serait d'être naïf, de n’avoir aucune expérience, réussir à découvrir quelque chose de nouveau. Bref, le contraire d’un geste sportif, le naturel, pas la technique, la naïveté, pas une acculturation. Arriver à connaître ça, c’est une super chance. » L’Homme m’apparut immédiatement complexe car je sentis chez lui une certaine fragilité associée à une grande force. Sa fragilité venait de son enfance. Sa force venait de sa capacité à sublimer cette fragilité et ses doutes, pour au bout du compte, « accumuler du positif » et bâtir quelque chose de grand. Ce quelque chose aurait pu être technique, spirituel, artistique, ou sportif. Ce fut le No limit, parce qu’il rencontra Claude Chapuis et parce que cette activité était au croisement de la technique, de la spiritualité, de l’art et du sport. Après qu’ils m’eurent accordé leur interview, je n’ai souhaité rencontrer aucun de mes témoins, parce que tous s’étaient livrés et qu’ils m’avaient confié l’essentiel de ce que je souhaitais savoir. Tous sauf Loïc, parce l’Homme n’avait pas voulu m’emmener avec lui dans son grand bleu et qu’il ne commença à le faire, qu’une fois le micro coupé, autour d’un verre et d’une crêpe que Val avait préparée. Je l’ai rappelé au mois de mars 2007 pour prolonger notre entretien. Je lui ai fait part de la façon dont j’avais compris l’Homme. Après m’avoir écouté, il me dit : « Il y a de ça dans mon histoire aussi ». Je lui ai alors demandé de le rencontrer à nouveau. Il m’expliqua qu’il était en préparation pour une tentative de record et qu’il me rappellerait après, pour cette entrevue. J’appris, le 11 avril 2007, que Loïc ne me rappellerait plus.